Comme me l'a indiqué mon premier lecteur, ma critique de Polanski était quelque peu tranchée. J'ai hésité quelque temps à y inclure une phrase rappelant que je suis loin d'avoir une culture suffisante pour pouvoir réellement critiquer un tel réalisateur.
Mais, je me suis dit qu'il n'y avait aucune raison de le rappeler, c'est une évidence. Je ne prétends pas détenir une quelconque vérité ni même une vision particulière du cinéma. Je suis un néophyte qui s'étonne, voilà tout.
Et ici, je m'étonnais du snobisme de certains critiques qui auraient incendié "The Ghost Writer", s'il n'avait pas été réalisé par Polanski.
Je rappelle, comme un préalable à la lecture de ce blog, que je ne cherche pas l'objectivité mais plutôt les arguments pour défendre la subjectivité de mes critiques...
mardi 23 mars 2010
Billet d'humeur (The Ghost Writer)
Même si je suis en train de réfléchir sur « Les Justes » je ne résiste pas à mon envie d’écrire un court billet sur ce que j’ai vu hier soi : « The Ghost Writer », de Roman Polanski.
Je n’avais vu que trois autres films du réalisateur ( « Rosemary’s Baby », « Le bal des vampires » et « Le pianiste ») mais j’ai déjà la désagréable impression d’en avoir compris la mécanique générale…
Je suis loin de saisir les raisons de l’engouement de la critique à son égard. Car, de ces trois films, je ne vois pas réellement quel trait de génie pourrait les différencier d’un quelconque téléfilm…
J’ai regardé « le bal des vampires » sans y voir de talent mais plutôt une comédie quelque peu vulgaire et convenue. Même chose pour « le pianiste » qui m’est apparu comme un condensé de téléfilms sur la shoah, déjà vus et sans réelles nouveauté à faire valoir. Dans ces deux là et plus encore dans « Rosemary’s Baby », je crois voir vu avant tout une certaine délectation pour le morbide gratuit et sans but aucun,.
Comment expliquer que Roman Polanski soit si encensé ? Les déboires judiciaires du réalisateur nous obligent-ils à le défendre comme s’il en allait de la défense de l’art même ?
Mais revenons au film. Dans « The Ghost Writer », Roman Polanski nous raconte l’histoire d’un écrivain « nègre », chargé d’écrire les mémoires d’un politicien en disgrâce. Pourquoi pas ? Le film a le mérite de s’attaquer au quotidien des hommes de pouvoir. Pourtant ce thème, autant que la raison de la disgrâce ministérielle ( l’utilisation de la torture du « water boarding »), est vite éclipsé.
En effet, l’essentiel du film tourne autour d’une pseudo intrigue dont les « ficelles » sont si grosses qu’il est plus juste de les nommer « cordes » : un ministre soupçonné d’être lié à la cia, un complot, d’anciennes amitiés peu recommandables, une femme traîtresse. A peine de quoi animer un épisode d’une série policière.
De plus, j’ai été particulièrement déçu par la performance d’Ewan McGregor et le jeu des acteurs en général, qui se bornent à reproduire les lieux communs des films d’enquête.
Toutefois, tout n’est pas à jeter dans le film de Roman Polanski. Si l’histoire est prévisible en tout points, ce n’est heureusement pas le cas des plans de caméra, légers et incertains. Les décors sont, eux aussi, déroutants, entre délicatesse et noirceur. Le tout est soutenu par une superbe bande originale (signée Alexandre Desplat), à l’esthétique romantique et noire.
Killian
Je n’avais vu que trois autres films du réalisateur ( « Rosemary’s Baby », « Le bal des vampires » et « Le pianiste ») mais j’ai déjà la désagréable impression d’en avoir compris la mécanique générale…
Je suis loin de saisir les raisons de l’engouement de la critique à son égard. Car, de ces trois films, je ne vois pas réellement quel trait de génie pourrait les différencier d’un quelconque téléfilm…
J’ai regardé « le bal des vampires » sans y voir de talent mais plutôt une comédie quelque peu vulgaire et convenue. Même chose pour « le pianiste » qui m’est apparu comme un condensé de téléfilms sur la shoah, déjà vus et sans réelles nouveauté à faire valoir. Dans ces deux là et plus encore dans « Rosemary’s Baby », je crois voir vu avant tout une certaine délectation pour le morbide gratuit et sans but aucun,.
Comment expliquer que Roman Polanski soit si encensé ? Les déboires judiciaires du réalisateur nous obligent-ils à le défendre comme s’il en allait de la défense de l’art même ?
Mais revenons au film. Dans « The Ghost Writer », Roman Polanski nous raconte l’histoire d’un écrivain « nègre », chargé d’écrire les mémoires d’un politicien en disgrâce. Pourquoi pas ? Le film a le mérite de s’attaquer au quotidien des hommes de pouvoir. Pourtant ce thème, autant que la raison de la disgrâce ministérielle ( l’utilisation de la torture du « water boarding »), est vite éclipsé.
En effet, l’essentiel du film tourne autour d’une pseudo intrigue dont les « ficelles » sont si grosses qu’il est plus juste de les nommer « cordes » : un ministre soupçonné d’être lié à la cia, un complot, d’anciennes amitiés peu recommandables, une femme traîtresse. A peine de quoi animer un épisode d’une série policière.
De plus, j’ai été particulièrement déçu par la performance d’Ewan McGregor et le jeu des acteurs en général, qui se bornent à reproduire les lieux communs des films d’enquête.
Toutefois, tout n’est pas à jeter dans le film de Roman Polanski. Si l’histoire est prévisible en tout points, ce n’est heureusement pas le cas des plans de caméra, légers et incertains. Les décors sont, eux aussi, déroutants, entre délicatesse et noirceur. Le tout est soutenu par une superbe bande originale (signée Alexandre Desplat), à l’esthétique romantique et noire.
Killian
dimanche 21 mars 2010
Les Justes (Yves)
Je suis, moi aussi, allé voir la pièce. Il est à noter que Stanislas Nordey est directeur pédagogique de l'école supérieure du TNB. Il joue donc, en quelque sorte, « à domicile ».
Le point le plus brûlant du spectacle : « Pourquoi cette pièce a t-elle été mise en scène de manière si sèche ? ». Car S. Nordey pousse son parti pris jusqu’au bout : un décor intriguant, minimaliste, des gestes et des répliques minutieuses mais aussi une articulation saccadée, où aucune liaison entre les mots n'est faite, une ambiance très monotone…
En sortant de la salle, et malgré les protestations de mes amis, la pièce m'a laissé une impression positive que je vais m'empresser de concrétiser dans nos prochaines analyses.
Yves
Le point le plus brûlant du spectacle : « Pourquoi cette pièce a t-elle été mise en scène de manière si sèche ? ». Car S. Nordey pousse son parti pris jusqu’au bout : un décor intriguant, minimaliste, des gestes et des répliques minutieuses mais aussi une articulation saccadée, où aucune liaison entre les mots n'est faite, une ambiance très monotone…
En sortant de la salle, et malgré les protestations de mes amis, la pièce m'a laissé une impression positive que je vais m'empresser de concrétiser dans nos prochaines analyses.
Yves
Les Justes
Voilà déjà une semaine, je suis allé voir « Les Justes » de Camus, au TNB. Je voyais pour la première fois une mise en scène de Stanislas Nordey. J’avais déjà entendu des critiques mitigées et après avoir étudié quelque extraits, la pièce me laissait assez indifférent. Toutefois, j’ai été réellement décontenancé et plutôt séduit, tant par le jeu des acteurs que l’esthétique générale. Et comme nous le verrons, la manière dont S. Nordey a traité le texte.
lundi 1 mars 2010
Shutter Island : baroque ?
Tout appelait à l'adaptation cinématographique. Tout d'abord le décor : l'oppressant huis clos de l'île, une disposition des lieux très géométrique et une tempête d'éléments. De plus, la bande dessinée s'était déjà révélée très proche du cinéma par les choix dans la disposition des cases de De Metter.
Il est particulièrement étonnant de voir à quel point le film de Scorcese se rapproche des choix du dessinateur dans la mise en scène des plans se passant dans la réalité. Pourtant, contrairement à De Metter, Scorcese rend plus instable la fragile frontière entre vérité et délires oniriques, au point de déstabiliser le spectateur même. L'enjeu de Scorcese semble être plus celui de réaliser une œuvre baroque, qu'un film d'épouvante.
Les analepses et les rêves se confondent et s'imbriquent les uns dans les autres. Dans la même esthétique baroque, Scorcese fait planer le doute sur la vérité même de la folie. En effet, là ou la bande dessinée ne laisse flotter aucune hésitation quand à la folie de Teddy Daniels, le film insuffle l'incertitude par le discours de Rachel Solando : « quand un médecin vous a déclaré fou, quoi que vous fassiez, vous ne faites que confirmer ce qu'il a avancé »
Pourtant, cette incertitude même se retourne à la fin du film quand les regards des médecins se font face pour constater que la folie de leur patient ne s'est pas envolée. Mais, le sourire final de Di Caprio fait douter de cette dernière certitude. Il se laisse emmener vers le phare alors même que l'idée d'expérimentation sur les cerveaux est sensée venir de sa propre folie...
Folie et vérités officielles s'entremêlent pour former une sorte d'évidence incertaine et bancale.
Le doute pour Teddy Daniels est partout. Mais, il en va de même pour le langage cinématographique. Dès le début du film, la musique se fait oppressante alors même que rien d'effrayant ne s'apprête à tomber. Une fois l'ambiguïté de la musique établie, Scorcese se joue d'elle en portant le suspens par l'absence de musique, à la manière des Oiseaux d'Alfred Hitchcock. Il en va de même pour la lumière. Comme dans Shining de Kubrick, la forte lumière apparaît tout aussi angoissante que le noir profond. Mais là où, dans Shining, elle dévoile l'horreur, la lumière de Shutter Island agit comme des coups : elle extrêmement brutale et brève (effet d'autant plus amplifié dans les grandes salles noires des cinémas)
Comme dans de nombreuses pièces baroques, le dérèglement résulte d’un traumatisme : Hamlet apprend que son père a été assassiné par son oncle, Macbeth entend la prophétie des sorcières. Dans Shutter Island, le choc provient de la libération des camps nazis. Un énième film larmoyant et manichéen sur la shoah ? Non. Scorcese ne s’interroge pas sur l’histoire mais sur l’homme. Comment un homme peut-il vivre enchaîné à la culpabilité concentrationnaire ? (la culpabilité étant ici tout autant la libération tardive de Dachau que l’assassinat sans procès des soldats allemands s’étant rendus).
L’homme perd la foi en son pays (qui ne cesse d’être comparé à l’Allemagne nazie). Le couple se désagrège dans la démence alors que pleut sur lui une nuée de cendres. La femme tombe dans la folie et en poussière. Les fantômes des victimes se relèvent pour demander pourquoi on ne les a pas sauvées…
Alors que Teddy Daniels s’accroche en vain au passé d’avant guerre. Ses cris, jetés à la face des spectateurs, semblent nous dire : « il fut un temps où la cervelle étant ôtée, l’homme mourrait, c’était fini : mais maintenant ils se relèvent avec vingt meurtres mortels sur leur crâne et nous poussent de nos sièges… C’est plus étrange que le meurtre même » (Macbeth)
Il est particulièrement étonnant de voir à quel point le film de Scorcese se rapproche des choix du dessinateur dans la mise en scène des plans se passant dans la réalité. Pourtant, contrairement à De Metter, Scorcese rend plus instable la fragile frontière entre vérité et délires oniriques, au point de déstabiliser le spectateur même. L'enjeu de Scorcese semble être plus celui de réaliser une œuvre baroque, qu'un film d'épouvante.
Les analepses et les rêves se confondent et s'imbriquent les uns dans les autres. Dans la même esthétique baroque, Scorcese fait planer le doute sur la vérité même de la folie. En effet, là ou la bande dessinée ne laisse flotter aucune hésitation quand à la folie de Teddy Daniels, le film insuffle l'incertitude par le discours de Rachel Solando : « quand un médecin vous a déclaré fou, quoi que vous fassiez, vous ne faites que confirmer ce qu'il a avancé »
Pourtant, cette incertitude même se retourne à la fin du film quand les regards des médecins se font face pour constater que la folie de leur patient ne s'est pas envolée. Mais, le sourire final de Di Caprio fait douter de cette dernière certitude. Il se laisse emmener vers le phare alors même que l'idée d'expérimentation sur les cerveaux est sensée venir de sa propre folie...
Folie et vérités officielles s'entremêlent pour former une sorte d'évidence incertaine et bancale.
Le doute pour Teddy Daniels est partout. Mais, il en va de même pour le langage cinématographique. Dès le début du film, la musique se fait oppressante alors même que rien d'effrayant ne s'apprête à tomber. Une fois l'ambiguïté de la musique établie, Scorcese se joue d'elle en portant le suspens par l'absence de musique, à la manière des Oiseaux d'Alfred Hitchcock. Il en va de même pour la lumière. Comme dans Shining de Kubrick, la forte lumière apparaît tout aussi angoissante que le noir profond. Mais là où, dans Shining, elle dévoile l'horreur, la lumière de Shutter Island agit comme des coups : elle extrêmement brutale et brève (effet d'autant plus amplifié dans les grandes salles noires des cinémas)
Comme dans de nombreuses pièces baroques, le dérèglement résulte d’un traumatisme : Hamlet apprend que son père a été assassiné par son oncle, Macbeth entend la prophétie des sorcières. Dans Shutter Island, le choc provient de la libération des camps nazis. Un énième film larmoyant et manichéen sur la shoah ? Non. Scorcese ne s’interroge pas sur l’histoire mais sur l’homme. Comment un homme peut-il vivre enchaîné à la culpabilité concentrationnaire ? (la culpabilité étant ici tout autant la libération tardive de Dachau que l’assassinat sans procès des soldats allemands s’étant rendus).
L’homme perd la foi en son pays (qui ne cesse d’être comparé à l’Allemagne nazie). Le couple se désagrège dans la démence alors que pleut sur lui une nuée de cendres. La femme tombe dans la folie et en poussière. Les fantômes des victimes se relèvent pour demander pourquoi on ne les a pas sauvées…
Alors que Teddy Daniels s’accroche en vain au passé d’avant guerre. Ses cris, jetés à la face des spectateurs, semblent nous dire : « il fut un temps où la cervelle étant ôtée, l’homme mourrait, c’était fini : mais maintenant ils se relèvent avec vingt meurtres mortels sur leur crâne et nous poussent de nos sièges… C’est plus étrange que le meurtre même » (Macbeth)
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